Les politiques d’éducation prioritaire

Que penser de ces politiques d’éducation prioritaire, exactement ? Voilà plus de trente ans qu’elles existent. Mais représentent-elles un moyen efficace de lutte contre les inégalités sociales ? Leur mise en oeuvre consiste d’abord en des moyens supplémentaires (personnels, indemnités), mais aussi en la mise en réseau ou la circulation den pratiques pédagogiques, et d’usages (de nature quantitative et qualitative). Mais souvent ces moyens sont tout à fait insuffisants, et ne suffisent pas à compenser la sous-dotation des établissements au regard des publics scolaires accueillis. Autrement dit, on a affaire à des élèves qui vivent dans des territoires qui concentrent plus, voire beaucoup plus, de difficultés qu’ailleurs et qui sont scolarisés dans des établissements dont la qualité d’offre est, au final et malgré la volonté affichée, inférieure aux établissements ordinaires, sur les dimensions réellement centrales pour les apprentissages. Il est, donc, difficile de dire si la baisse globale des performances en éducation prioritaire ne provient que des profils socio-écoculturels des élèves ou si et dans quelle mesure les politiques publiques se sont révélées, même partiellement, efficaces, c’est-à-dire si la situation avait été pire si ces politiques n’avaient pas été menées (Garrouste et Prost, Cnesco, 2016). Pour Felouzis et al. (Cnesco, 2016), elles constituent « des politiques de lutte contre les effets de la ségrégation », et en ce sens, l’éducation prioritaire « a sans doute atténué mais certainement pas annulé les conséquences de la précarisation des familles populaires, en particulier celles issues de l’immigration, souvent concentrées dans des territoires délaissés. » (Observatoire des zones prioritaires, 2007). On ne traite pas la source : dans la mesure où on légitime un système en cherchant à en compenser les effets négatifs alors que c’est lui qui produit les inégalités, l’échec scolaire reste inscrit dans cette organisation. L’éducation prioritaire est alors « source de ségrégation sociale et académique » (Merle, 2012) car les établissements étiquetés sont justement contournés par les familles en ayant les moyens, les élèves y étant scolarisés sont stigmatisés, les attentes scolaires sont revues à la baisse, et les climats scolaires tendus.